18
Jan
2011

Comment protéger les personnes âgées des abus de faiblesse?

OPINION. Il est possible de mettre à l’abri des avoirs importants sous une forme de surveillance qui n’entrave en rien la liberté de la personne à protéger. La solution est la création d’un trust, affirme Ariane Slinger, présidente d’ACE International

Dans un article récent, un gérant de fortune proposait aux personnes âgées de nommer leur gérant comme exécuteur testamentaire. On peut sérieusement douter de cette option. Et le dossier du Temps sur les trois dames âgées qui recherchent désespérément leurs 88 millions m’a confirmée dans mes convictions: les personnes faibles ou âgées, il faut les protéger de leur vivant! Donc mettre en place une solution plus complète que la simple nomination d’un exécuteur testamentaire. D’autant que le premier critère de sélection d’un exécuteur testamentaire est l’absence de tout conflit d’intérêts, ce qui devrait d’emblée exclure le gérant de fortune…

Risques d’abus de faiblesse

Nous devenons de plus en plus âgés et restons relativement en bonne santé, mais notre jugement, lui, peut perdre de son acuité. Nos familles vivent souvent dans des régions et pays éloignés. De fil en aiguille, l’abus de faiblesse est devenu une activité très rentable pour certaines personnes malveillantes à proximité des personnes âgées. Ce sujet est rarement évoqué, mais est un véritable fléau social.

Nous connaissons tous des exemples de dames de compagnie indélicates qui faisaient des achats personnels avec la carte de crédit des personnes dont elles s’occupaient, volaient des objets de valeur et faisaient du chantage affectif. Il est également fréquent de voir des enfants, petits-enfants ou neveux qui demandent «souvenirs» de valeur ou argent à une personne âgée, au détriment d’autres membres de la famille. Personne ne semble trop s’en soucier.

Difficile de stopper les menus larcins, c’est vrai. En revanche, il est possible de mettre à l’abri des avoirs plus importants, cela sous une forme de surveillance qui n’entrave en rien la liberté de la personne à protéger. La solution est la création d’un trust géré par un trustee professionnel, auquel est confiée la responsabilité des avoirs et des personnes à protéger, en définissant rigoureusement sa mission.

Une fausse perception

Les trusts ont hélas mauvaise presse. Certains, dont les médias, les considèrent comme des «fictions légales» utilisées pour éviter les impôts. Or, cela n’est plus possible à la suite de la mise en place de la transparence fiscale et des échanges d’informations au niveau mondial. De plus, les trusts existent depuis des siècles pour protéger les familles des aléas de la vie!

Il est donc grand temps de redécouvrir les vertus du trust. Car un trustee professionnel, indépendant et rémunéré sur une base transparente, assure plusieurs fonctions complémentaires: protecteur des avoirs et des intérêts des bénéficiaires, conseiller de la famille et, finalement, exécuteur testamentaire.

Dans mon activité de trustee professionnelle, j’ai eu l’expérience de personnes malades qu’il nous a fallu protéger contre des femmes ou hommes de confiance, qui se faisaient offrir des cadeaux de valeur et des sommes d’argent pour s’occuper d’elles, prétendant être leur grand amour ou leur meilleur ami. Nous avons protégé une dame âgée contre un filleul et un avocat qui en avaient après ses avoirs, mais aussi un homme handicapé que son frère voulait mettre à la rue pour récupérer la maison de famille. Nous nous sommes opposés à un fils qui limitait le train de vie de sa mère pour préserver son propre héritage.

Le vrai rôle du trustee

Nous avons eu affaire à des personnes âgées sous haute influence de leur femme de ménage ou infirmière, ainsi qu’à une dame de compagnie qui séquestrait la personne dont elle s’occupait. Nous nous voyons également confier des sommes d’argent par des familles qui entendent aider des enfants toxicomanes à vivre, mais sans avoir les moyens de se faire du mal. La liste est non exhaustive!

Outre cette protection des bénéficiaires, le trustee surveille la gestion des fonds confiés à la banque ou au gérant de fortune, assure toute l’administration des bénéficiaires, à savoir les paiements, le contrôle des charges, les déclarations fiscales, l’assurance et l’entretien des biens immobiliers, etc.

En clair, le trustee assume tout ce dont le bénéficiaire ne désire plus s’occuper, mais veille aussi à son bien-être, lui rend des visites afin d’être sûr qu’il a vraiment tout ce qui lui est nécessaire. Ainsi, dans le choix d’un trustee, il convient non seulement d’apprécier son sérieux professionnel, mais également ses qualités humaines, ainsi que le savoir-faire et la disponibilité de son équipe.

Il est important de souligner que la profession de trustee vient d’être officiellement reconnue en Suisse par la loi sur les établissements financiers du 15 juin dernier, qui la soumet à l’obtention d’une licence à partir de 2020. Entre-temps, les personnes désireuses de créer un trust auprès d’un trustee dont la solidité financière et le respect d’un code de conduite sont garantis peuvent s’adresser aux membres de l’association SATC (Swiss Association of Trust Companies), car ceux-ci respectent des critères professionnels supérieurs à ceux édictés par la loi, cela depuis de longues années.

Cette réglementation de la profession de trustee en Suisse ouvre de nouvelles opportunités et peut contribuer à résoudre d’importants problèmes pour nos aînés et leur famille.

paru dans Le Temps le 18 décembre 2018

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